AccueilActivitésArchivesEn 2015Leiris & Co. Picasso, Masson, Miró, Giacometi, Lam, Bacon…, compte rendu par Marie-Françoise Quignard

Leiris & Co. Picasso, Masson, Miró, Giacometi, Lam, Bacon…, compte rendu par Marie-Françoise Quignard

Exposition au centre Pompidou-Metz, du 3 avril au 14 septembre 2015, exposition réalisée en partenariat avec le musée du quai Branly et la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet.

Page publiée le 2 août 2015

Faire suivre le nom de Michel Leiris du terme anglo saxon « and Co », et le développer par le nom des peintres qui ont marqué sa vie, c’est d’emblée signifier l’importance que cet écrivain, encore méconnu d’un large public, accorda à l’art. Quant aux points de suspension qui suivent le nom de Bacon, ils sont là pour indiquer un énoncé incomplet que l’exposition s’attache à développer.

Seize espaces pour saisir l’homme dans sa complexité, né en 1901, mort en 1990, qui n’eut de cesse de casser l’image de l’homme convenable qu’il donnait à voir et ne cessa dans ses écrits de se demander : « Et moi, qui suis-je ? », lui dont la vie professionnelle fut consacrée à l’ethnologie, spécialiste de l’Afrique noire, lui qui rendit compte toute sa vie du travail des artistes dont il était proche, non en théoricien mais avec une acuité très personnelle, lui pour qui la tauromachie représenta longtemps l’art suprême, où l’érotisme, le sacré et la mort se mêlent, ce à quoi il visait dans ses écrits, se prenant, sans complaisance, comme sujet.

Parcours chronologique mais aussi thématique pour dessiner à partir de son œuvre le portrait de l’écrivain, du poète, de l’ethnologue, du grand voyageur et de l’homme politiquement engagé dans toutes les luttes d’indépendance.

De l’enfance bourgeoise on retiendra les liens qui unissaient sa famille à Raymond Roussel, écrivain déroutant dont l’œuvre ne cessa de solliciter Michel Leiris et dont il vit à l’âge de 11 ans une représentation d’Impressions d’Afrique. L’exposition retrace sa rencontre déterminante avec Max Jacob en 1921 qui l’introduisit, dans le cercle bohème du 45 rue Blomet, où il fit la connaissance de Joan Miró et surtout d’André Masson auquel une amitié indéfectible le lia jusqu’à la mort du peintre en octobre 1987 ; elle rappelle son engagement éphémère au mouvement surréaliste puis son adhésion à la revue Documents, foyer de la dissidence antisurréaliste, fondée par Georges-Henri Rivière, Carl Einstein et son ami Georges Bataille ; elle fait revivre sa participation au titre de secrétaire archiviste dans le cadre de la première mission ethnographique française conduite par Marcel Griaule, la mission Dakar-Djibouti (1931-1933), dont il rapporta L’Afrique fantôme, récit entrelaçant carnet de route et journal intime.

Un espace est consacré à son premier récit autobiographique, L’Âge d’homme, commencé en 1930, publié en 1939, inaugurant la littérature de « confession », qu’il poursuivit avec La Règle du jeu « à la fois art poétique et savoir-vivre », entreprise qui l’occupa de 1940 à 1975.

Parmi les thèmes développés, ceux consacrés au jazz, à la tauromachie, au sacré, à l’opéra et à ses voyages aux Antilles, à Haïti, en Chine et à Cuba. En récapitulant dans un même espace sous la dénomination « arts et métiers de Michel Leiris : l’écrivain-poète, l’écrivain d’art et l’ethnologue », cette exposition a pour ambition de montrer toutes les facettes de celui pour qui la connaissance de l’autre et celle du monde passait d’abord par la connaissance de soi.

Pour saisir l’homme dans sa complexité, deux artistes marquent l’espace de cette exposition, Giacometti avec entre autres L’homme qui chavire (1950) et les gravures qu’il fit de Michel Leiris, à son retour de l’hôpital, après sa tentative de suicide en 1957 pour le recueil de poèmes, Vivantes cendres, innommées et Francis Bacon dont Leiris fit la connaissance en 1965 et qui sut sans doute le mieux exprimer, dans son exploration du visage humain, « la criante vérité » de l’âme humaine.

Exposition remarquablement vivante grâce aux très nombreuses oeuvres de ses amis peintres et sculpteurs et aux très nombreux objets d’art africains et antillais, complétée par un très riche corpus d’archives, de manuscrits rares dont le Journal tenu par Michel Leiris de 1922 à 1989, de livres, de photographies, la plus grande part provenant de la bibliothèque littéraire Jacques Doucet à la faveur du legs que lui fit Michel Leiris en 1990. Prolongeant l’exposition, les œuvres de six artistes contemporains dont celles de Miquel Barceló et de Jean-Michel Alberola illustrent l’intérêt que suscite toujours la figure de Michel Leiris.

Uli

Statue du Nord de la Nouvelle-Irlande, hauteur 125 cm.
Don d’Aube et Oona Elléouët

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