AccueilActivitésArchivesEn 2015Tzara approximatif ou accompli ?, par Christian Galantaris

Tzara approximatif ou accompli ?, par Christian Galantaris

Page publiée le 23 décembre 2015, mise à jour le 30 décembre 2015

« L’Homme approximatif ». C’est ainsi que Tzara définissait, dans le champ métaphorique d’un recueil poétique de 1931, l’homme encore à la recherche de lui-même. Mais si l’on veut aujourd’hui, avec le recul convenable, porter un jugement sur le rayonnement de ses œuvres et de ses collections, il faut en radier le mot « approximatif » qui risquerait d’être pris comme le concernant. C’est ainsi que l’a entendu le musée d’Art moderne de Strasbourg. Avec un méritoire souci d’exhaustivité, les commissaires de l’exposition ont tenté de faire le tour de cette importante figure de proue de l’art contemporain. Arrivé comme tant d’autres de Roumanie, pépinière d’écrivains, d’artistes, et de penseurs francophones, Tzara s’arrête à vingt ans à Zurich où il ne tarde pas à fonder, avec quelques autres, Dada. Passé à Paris en 1920 il flirte un temps avec le Surréalisme. L’intérêt qu’il porte aux idées et aux formes d’avant-garde plaît aux artistes. Perturbateur du langage avec des fulgurances rimbaldiennes, Tzara a été plus qu’un poète : un initiateur influent, un collectionneur aimé des peintres, qu’il comprenait et qui le comblaient de dessins et de tableaux. En outre, ils ont orné ses livres de gravures, faisant de lui, avec Éluard, les deux auteurs les plus illustrés de leur vivant.

Ces livres, ces œuvres — y compris celles qu’il a acquises et en particulier les nombreux spécimens d’art primitif — toutes occupent une place majeure dans le bilan d’un passé encore proche. Voilà ce qui est donné à voir au visiteur à Strasbourg. Et celui-ci, amateur ou non, ne peut rester insensible devant tant d’objets, tant de documents qui l’étonnent, l’enchantent ou le stupéfient ! Inévitablement il en tire une leçon, une valorisation et sent à la fin un élargissement inattendu de son discernement.

Un faible reproche à propos du catalogue, pourtant très substantiel (356 pages). Précédé d’intéressantes notices dues aux meilleurs spécialistes, il laisse peu de place aux descriptifs de quelque 500 pièces exposées (imprimés en petit corps sur quatre colonnes et souvent par trop sommaires).

Un regret. Vingt-six peintres parmi les plus célèbres ont illustré 42 livres de Tzara. Onze de ceux-ci manquent à l’exposition, nous privant ainsi des gravures de : Yves Tanguy (Primele poeme, 1934), Matisse (La deuxième aventure céleste..., 1938), Giacometti (Phases, 1949), Picasso (De mémoire d’homme, 1950), Braque (La Bonne heure, 1955), Hans Arp (Parler seul, 1955 et Lampisteries, 1963), Sonia Delaunay (Le fruit permis, 1956 et Juste présent, 1961), Man Ray (Où boivent les loups, 1968), Jacques Hérold (Quarante chansons et déchansons, 1972).

Une petite taquinerie. La page de sommaire et la page de titre qui suit disent que Tzara est né en 1895. Le début de la page 321 de Biographie le fait naître le 16 avril 1896 (date exacte ?).

Tel qu’il est, ce volume érudit, joliment illustré et édité demeurera désormais la source essentielle pour mieux connaître celui qui ne saurait être tenu pour un « homme approximatif ».

TRISTAN TZARA L’HOMME APPROXIMATIF, Strasbourg, Musée d’Art moderne et contemporain, 2015 (24 septembre 2015 - 17 janvier 2016) ; petit in–4 de 356 pages broché, nombreuses illustrations. 35 €

Addenda.

Christian Galantaris apporte la rectification suivante à son compte rendu de l’exposition Tristan Tzara :
trois ouvrages que je croyais oubliés, précise-t-il, figurent bien dans le catalogue mais sans que le nom des artistes soit mentionné : Tanguy, Primele poème, 1934 ; Giacometti, Phases, 1949 ; Arp, Lampisteries, 1963. 

Uli

Statue du Nord de la Nouvelle-Irlande, hauteur 125 cm.
Don d’Aube et Oona Elléouët

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