AccueilActivitésArchives2016Cosa mentale, Art et télépathie au XXème siècle, Compte rendu par Enza Palamara.

Cosa mentale, Art et télépathie au XXème siècle, Compte rendu par Enza Palamara.

Exposition au Centre Pompidou-Metz - 28.10.15 - 28.03.16

Page publiée le 1er mars 2016, mise à jour le 12 mars 2016

Cosa mentale : pour Léonard de Vinci c’est le projet même qui est « une chose mentale », « une chose de l’esprit » ; ce qui importe c’est ce qui se passe dans la pensée, avant l’exécution de l’œuvre elle-même. Et c’est précisément cette idée qui a fasciné les artistes dès la fin du 19ème siècle et pendant tout le 20ème. Transmettre la pensée à distance, être relié par la pensée au point que celle-ci rejoigne directement celui à qui elle s’adresse : une nouvelle utopie prend naissance qui va marquer l’histoire de l’art, du Symbolisme à nos jours. La télépathie : ce mot revêt une importance particulière vers 1882 ; l’apparition de la communication à distance a contribué à réveiller ce vieux rêve de communiquer directement d’esprit à esprit, par delà le temps et l’espace.

Ce rêve l’exposition le donne à voir de façon admirable en nous proposant un parcours insolite, une relecture de l’histoire de l’art de la fin du 19ème siècle à aujourd’hui. Nous pouvons revivre cette aventure à travers le mode de transmission directe de la pensée et des émotions. Cette tentative de visualiser directement la pensée est une manière de mettre à nu l’activité cérébrale et répond à de nombreuses expériences scientifiques de l’époque.

Accueilli par « Le Penseur » de Rodin, on entre peu à peu à l’intérieur du lieu même où naissent les pensées, dans ce qui pourrait être le foyer de l’activité mentale. Des œuvres de Edvard Munch, Odilon Redon, Max Oppenheim, nous saisissent par ces auras qui seraient comme la matérialisation de la force psychique de la peinture à la fin du 19ème siècle. Le portait de Gauguin par Odilon Redon est particulièrement frappant à cet égard .Cette tentative de rendre visible l’activité mentale a un impact inattendu sur la naissance de l’abstraction. Pour Kupka la télépathie sera l’art du futur ; les premiers tableaux de Kandinsky sont de véritables autoportraits. Ces œuvres fascinantes qui nous sollicitent par leurs formes et leurs couleurs, nous livrent en réalité les pensées intimes des deux artistes, l’espace intérieur qui les habite.

Oui, la peinture - l’art en général - est vraiment cosa mentale. Et les surréalistes qui s’attachaient à rendre compte du « Fonctionnement réel de la pensée » ont multiplié les possibilités de transmettre à distance des messages qui témoignent du mystérieux lien qui peut s’établir entre les esprits .Quant à Miro, qui souhaitait montrer « une cartographie mentale de ses états d’âme », livrer une « photo de ses rêves », l’exposition lui rend hommage à travers plusieurs œuvres dont un magnifique tableau bleu où la pensée, rendue palpable, est désignée par un petit nuage gris .

Cette idée est illustrée plus tardivement par certaines œuvres qui mettent en scène la circulation des pensées entre les artistes qu’ils soient contemporains ou non. Ainsi Sigmar Polke entre en communication télépathique avec William Blake.Il est donc possible de vivre en co-présence avec les génies du passé.

L’exposition explore d’autres aspects de cette passion pour la télépathie. Elle nous conduit, de façon très pédagogique, dans les arcanes de la pensée des artistes alors que se développent de nouveaux média : le cinéma expérimental, la vidéo, l’architecture même se proposent d’étendre le champ de la conscience. Nous pouvons voir comment on aboutit à la dématérialisation de l’art, au triomphe de l’art conceptuel. Le parcours se termine par une invitation à l’expérience concrète de la télépathie ; le visiteur peut « tester » ses propres capacités à communiquer à distance.

Et cela avec une simplicité, une clarté qui nous conduit au cœur de ce qui reste un des mystères les plus fascinants : VOIR la pensée, montrer comme le fait Rudolf Steiner, que l’homme peut se déposséder de son corps et devenir un esprit capable de communiquer à distance par ses « irradiations télépathiques ».

Cosa mentale
la peinture, l’art en général. Étonnant oxymore qui montre que l’art peut se passer de tout support ; que la pensée peut agir toute seule !

Cette exposition se veut une archéologie et aussi un mouvement lancé vers le futur .Elle signale l’actualité de la télépathie aujourd’hui ; par les relais des séries télévisées, des œuvres d’anticipation, la télépathie est omniprésente ;on assiste en même temps à une emprise de plus en plus vaste des réseaux d’information, au développement des neuro-sciences, de l’internet .Il s’agira ,pour les artistes, de parvenir à détourner l’omniprésence tentaculaire des technologies de « la connaissance partagée » qui est une menace pour la pensée. L’immense territoire du futur reste à explorer. Et des pistes sont suggérées.

Pour Pascal Rousseau, commissaire de l’exposition, les artistes ont encore quelque chose à dire ; l’art garde tout son pouvoir salvateur. C’est le message qu’il nous livre en nous racontant, selon sa belle expression, cette « odyssée mentale » ; nous pouvons percevoir ainsi son ardent désir de partager sa passion pour l’art contemporain.

E. P.

Uli

Statue du Nord de la Nouvelle-Irlande, hauteur 125 cm.
Don d’Aube et Oona Elléouët

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